mardi 12 mai 2009
Buvez Madison: Une journée avec Cristo Rey
Cristo Rey aime les fleurs; Cristo Rey aime dire: Je vais me foutre en l'air quand il est contrarié; Cristo Rey a la beauté du diable; Cristo Rey est très drôle.
Voilà une journée avec lui...
Encore l'autoroute.
Dans mon camion, la Vierge de Guadalupe tangue allègrement. Pendue au plafond, elle supporte mal les accords hurlants des Waves.
Devant moi le soleil de 6h est déjà rouge et gros de promesses apocalyptiques, mais pas encore aujourd'hui.
Pour l'instant l'autoroute.
Devant moi d'autres camions foncent comme des salauds.
C'est l'antéchrist venu du Nord.Nous prenons tous la même sortie, tous au grand marché.
Evidemment pas une place devant la Halle aux fleurs, je dois me caler les pecs entre deux monstres de ferraille.
Je me sens petit malgré l'érection de bon matin qui tend mon jean.
Ma démarche de cowboy est connue dans toutes les halles.
A l'intérieur, c'est une cathédrale de fleurs qui m'attend.
Je charge mon charriot avec l'aide de ma rosiériste, Lily.
Elle m'explique le nom des roses et pourquoi certaines sentent bon: une bouche parfumée fait toujours fuir la Bête.
Elle jette un regard à mes bottes: "ça aussi c'est pas mal".
Ce qui m'angoisse le plus à charger, ce sont les pavots, petites choses trop fragiles. Leur maigreur me fait presque mal. Tout est dans la mesure et l'équilibre, et ça tient.
Bon.
Les légumes m'attendent.
Papy le Verdier me montre des trésors cachés qui sentent bon la terre encore tiède du printemps.
Son comparse m'offre une tartine de pâté et le vin en me montrant de vieilles photographies de quand il était encore dans le ventre de Paris, le vrai.
Je prends aussi les herbes des sous-bois que la petite fée de l'Essonne me tend silencieusement : Ail des ours, basilic mexicain, hysope, tout y est.
En sortant du marché à fond, je klaxonne fort et trois fois devant les trailers du Nord : NL, NL, antéchrists de merde.
Arrivé en ville, je m'incline rapidement devant le gros coquillage accroché à l'église qui fait face à la boutique, le début du chemin de saint Jacques, le Mal recule.
J'arrose le plantes, l'angélique est en pleine forme, vaillante et verte a souhait.
Saori en tenue de Dark Vador japonais parle avec les oliviers pour leur donner du courage : les olives vont bientôt se former. Bouddha Bouddha Bouddha.
Bon.
Ce matin, trois morts. 7 ans, blanc. 45 ans, pastel. 88 ans, croix de roses de jardin.
Je me concentre particulièrement pour les fleurs des défunts, ils n'auront que ça à offrir là haut, et le passage n'est pas piqué des hannetons.
La croix est tellement magnifique que les bras nous en tombent, un peu de lilas et elle embaume toute le rue que je traverse jusqu'à l'église. Le démon guette mais il trébuche sur les pétales qui s'envolent de la croix, salaud.
Déjà midi.
Au parc je m'endors à la place de déjeuner.
La sève de l'érable auquel je suis adossé tressaute régulièrement dans mon dos, ça m'apaise.
Tous ces arbres en chaleur.
L'après-midi, les derniers freesias de la saison éclatent en mille parfums.
Le petit crissement des feuilles qui se frottent les unes aux autres quand je fais les bouquets me fait bander.
J'ai faim, je grignote un peu d eucalyptus. Une bouche parfumée...
Bon.
Les petits enfants du Ve, propres et bien habillés entrent et réclament leurs fleurettes. En échange, un baiser sur la joue ou des yeux ronds comme des hosties, le démon trébuche encore, salope.
Les cris des enfançons font trembler les feuilles rouges du tilleul en vitrine.
Saori et Yumiko font leur gymnastique japonaise et des couronnes de fleur de riz; Pour enchainer la Bête, on n'est jamais trop de trois.
Je les rejoins, alors que le soleil décline.
Quelques personnes repartent avec les bouquets de l'après-midi : morceaux de prairies dans leurs appartements.
Deux pèlerins sortent de l'église, c'est l' heure de fermer.
Après une courte prière de protection, j'entre dans la grande épicerie.
Mon sac s'emplit d'offrandes délicieuses.
La vie est facile, je reprends ma démarche de cowboy.
Voler me fait bander.
J'entends les cloches sonner, c'est l'appel.
Demain,je repousserai encore le démon, et j'irai danser peut-être, jusqu'à n'en plus pouvoir
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