dimanche 20 janvier 2008

Buvez Madison analyse la mode


Buvez Madison aujourd’hui se risque à une analyse de mode car très intéressé par les campagnes publicitaires des grandes maisons de couture qui fleurissent dans les magazines de février.
La palme revenant à la nouvelle campagne Yves Saint Laurent qui a éveillé notre attention car c’est à notre sens la plus réussie de la saison.
On y voit une Kate Moss à frange, blonde platine, franchement canon en total look Saint Laurent par Stefano Pilati.
L’image est superbe, Kate Moss réussit à surprendre encore malgré une présence médiatique massive dans tous les magazines, frisant l’overdose.
On peut bien sûr y voir un hommage moderne à Betty Catroux: même coupe de cheveux, même blond platine, même look androgyne sexy et même vie sulfureuse.
Et puis les vêtements sont superbes.
Force est d’admettre que l’esprit Saint Laurent est là, ré-interprêté habilement, sans forcer le trait, à l’inverse de tout ce qu’avait pu faire Tom Ford par le passé.
La collection Printemps Eté est d’ailleurs sublime et sûrement la plus réussie depuis que monsieur Saint Laurent a quitté le navire.
Mais ce qui étonne le plus dans cette campagne et qui la rend du coup si intéressante, c’est le lieu où les photos ont été prises.
En effet le photoshoot a eu lieu avenue Marceau à la fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent, dernier bastion indépendant de l’empire Saint Laurent et pied de nez aux grands groupes financiers qui ont avalé peu à peu toutes les maisons de couture.
Cette fondation tenue par une main de maître par Monsieur Bergé est un lieu hors du temps, totalement chicissime qui se veut le temple de la mémoire de la maison Saint Laurent. Tout le travail du couturier y est archivé, classé, préservé jalousement et les expositions qui y ont lieu sont tout simplement magnifiques et diablement passionnantes.
C’est le témoin d’une époque révolue où la couture ne se préoccupait pas uniquement de considérations purement financières et touchait au sublime.
Mais aussi c’est le témoin des doutes, de la difficulté à créer, des angoisses, des excès et coups de génie du créateur.
C’est presque finalement tout ce qui reste de Monsieur Saint Laurent qui s’est complètement retiré de la vie parisienne et ce dernier signe de vie est jalousement gardé et protégé par le compagnon fidèle de toujours Pierre Bergé.
Ce qui est intéressant dans cette campagne publicitaire, c’est qu’on y voit Kate Moss en vitrine de la fondation, mais à l’extérieur, comme essayant desespérement de rentrer ou de voir ce qui se passe à l’intérieur.
C’est un peu comme si elle s’était fait toute belle, très Rive Gauche et qu’elle avait sauté dans un taxi pour se rendre au sanctuaire du temple et montrer au maître que la maison Saint Laurent existe encore, que des gens sont là pour reprendre le flambeau et faire vivre le mythe.
Mais personne n’est là pour la laisser entrer où bien personne ne veut la laisser entrer.
Et c’est ce qui est diablement subversif dans cette campagne publicitaire.
On y voit, bien sûr, un essai de se rapprocher de l’essence même de la maison Saint Laurent en posant le mannequin à la porte du sanctuaire, tel un chien qui revient aux pieds de son mâitre.
Mais le maître n’est plus là où du moins ne laisse plus rentrer personne.
Kate Moss peut regarder par la vitrine mais on ne la laissera pas pénétrer dans le temple.
On lui permet juste de rester à la surface des choses, d’avoir un aperçu des grandes lignes mais l'accés lui est interdit.
Car peut être, il n’y a pas de place pour elle.
Betty Catroux est déjà dedans, depuis bien longtemps et pour toujours et il n’y a finalement pas de place pour une copie, aussi jolie et moderne que soit la copie.
Et c’est un formidable pied de nez au monde actuel de la mode.
En laissant Kate Moss, icône moderne indiscutable, aux marches du palais, on peut y voir un signe malicieux du vrai monsieur Saint Laurent, comme si c’était lui qui avait pris à la sauvette cette photo depuis l’intérieur de la fondation et qui nous l’avait envoyée à tous comme pour nous dire: je suis encore là, bien vivant, vous pouvez regarder, me copier, me rendre des hommages réussis ou non, m’envoyer toutes les kate Moss de la terre. Mais vous ne pourrez pas entrer car le club est privé, très privé et bien gardé, et je reste inaccessible.
Sinon ,on peut plus simplement voir dans cette mise en scène, un simple constat de la part du groupe Pinault: Malgré tous les efforts du monde, l’élève ne dépassera jamais le maître et personne n’arrivera à déchiffrer la magie Saint Laurent.
Alors, en désespoir de cause, la marque ne peut se résoudre qu’à rester à la surface des choses, sans percer le mystère et ne proposer que des ré-interprétations permanentes.
Presque une leçon d’humilité.
Bien vu.

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