mardi 4 novembre 2008
Buvez Madison sera au Palace demain soir pour valérie Lemercier
En attendant, Buvez Madison vous conseille la lecture de ce très bon article dans Le Monde...
Fatiguée, marquée de cernes par des nuits de travail et d'insomnie. Trois semaines avant la première de son spectacle au Palace, le 5 novembre, à deux pas du Palais-Royal, où elle habite, Valérie Lemercier ne cache pas son état de tension. Pas fini de fignoler l'écriture de son spectacle ni de confectionner sa tenue de scène. Le chef costumier du film Le Petit Nicolas lui a cependant déniché le tissu idéal, un crêpe de laine. Noir ? Bien sûr, comme chaque fois.
Cela fait sept ans que l'actrice et humoriste, âgée de 44 ans, n'est pas montée sur scène. "Je passe plus de temps dans la loge à écrire mes textes qu'à répéter. D'ailleurs, je n'ai jamais répété de ma vie. Seule l'écriture crée de l'inquiétude." Bosseuse, celle qui aime brocarder les mirages de la notoriété et les rites du snobisme est pétrie de trac. "Elle ne sait pas se reposer ni bien dormir", dit Brigitte Buc, sa coauteure. En revanche, dessiner, bricoler, cuisiner, transformer le talon de ses chaussures ou la forme d'une veste, coudre des rideaux, ces activités sont dans ses cordes.
"J'ai besoin d'occuper mes mains. Fabriquer des choses me rend heureuse. Je peux passer des heures à couper des pinceaux, les polir, les vernir pour les faire entrer dans une petite boîte." Comme à l'accoutumée, elle a signé l'affiche de son propre spectacle : une silhouette bondissante, rouge gaieté.
De ses précédents spectacles, il n'y a ni trace audio ni mémoire filmée. Valérie Lemercier a refusé qu'ils soient captés de peur d'être banalisés, tronçonnés à la télévision, même si elle déplore cette amnésie d'archives. "Vous devriez faire du one-man-show", lui a conseillé un chauffeur de taxi après l'avoir vue présenter la cérémonie des Césars en 2007. Rien à faire, la présence d'une caméra ou d'un micro dans la salle lui fait perdre ses moyens. Or, "sur scène, raconte Nathalie Baye, elle n'a pas peur de se perdre, de lâcher prise". Les deux actrices se sont rencontrées lors d'un festival au Japon, il y a une dizaine d'années. Depuis, elles se voient régulièrement, partent en thalasso ensemble. "Elle est très intelligente, ajoute Nathalie Baye, elle possède un mélange de gravité et de drôlerie. Elle est aussi légère qu'elle peut être angoissée. Sa complexité est formidable."
Le compositeur Bertrand Burgalat, qui fut son compagnon pendant quatre ans, lui demande parfois : "Tu te souviens quand tu étais vieille ?" A 20 ans, avec l'émission télévisée "Palace" qui l'a lancée, demoiselle Lemercier s'était spécialisée dans les dames d'un autre âge, les nunuches snobs aux voix perchées. "Les bourgeois m'amusent, dit-elle. En France, il y en a encore, ce qui est rassurant et inquiétant en même temps. Ils ne doutent de rien. Chaque fois que je les entends, je suis cueillie." Et de citer Sacha Guitry, selon lequel les provinciales sont parfois tellement parisiennes qu'elles deviennent internationales. Elle les fit connaître au fil des ans, augmentant son répertoire avec des rôles de fillette.
Dans la vie, Valérie Lemercier, 1,77 m, s'habille classique, en bleu marine, sans extravagance. "Vous, vous pouvez vous permettre", lui fait-on souvent remarquer. Justement non, estime l'humoriste : "Je ne veux pas être dans le pléonasme." Ni redondance ni excès : ainsi se comporte-t-elle dans la vie, discrètement, sans étalage. Ainsi conçoit-elle aussi l'écriture, dégraissée.
Avec ses quatre soeurs, elle a été élevée dans une ferme prospère, dans le village voisin de Bourville, en Seine-Maritime. C'est avec Brigitte Buc, son amie depuis le lycée, condisciple du conservatoire régional d'art dramatique de Rouen, que, depuis 1999, elle écrit pièces et scénarios. L'inspiration lui vient d'une phrase, une voix entendue. "Je la titille, on essaie de savoir ce qu'il y a de drôle. Elle part d'un détail, elle resserre sur un thème, explique Brigitte Buc. Elle a un instinct incroyable." "Parfois, quelque chose résiste, nuance Valérie Lemercier. On ne sait pas dans quelle situation mettre les personnages, comment les détourer."
Elle sait qu'on l'attend au Palace avec impatience. Chacun de ses spectacles a décroché un Molière. Ses tournées et ses films ont toujours fait salle comble. Populaire et branchée, Valérie Lemercier est appréciée par un public de 7 à 77 ans.
"Pour faire pleurer, les recettes sont connues, un orphelin, un amour déçu. On ne fait rire qu'avec des choses très intimes. Le plus drôle est ce qui est insupportable. Le pire du pire." Donc humour noir, avec légèreté. Des violées, droguées, suicidaires ont fait effraction dans ses spectacles, ou des personnages égoïstes, intolérants. Son prochain spectacle traitera - une première - de couples et d'amour. De sa chambre, la fille d'une psychanalyste écoutera les patients raconter leurs peines de coeur. Une foldingue poivrote embêtera des représentants de la vieille France à Roland-Garros.
Autre temps fort : la sortie en salles, le 3 décembre, d'Agathe Cléry d'Etienne Chatiliez. Valérie Lemercier porte de bout en bout cette comédie musicale, une fable qui met en scène une raciste qui devient noire. Un an de danse à raison de quatre heures par jour. Tournage éprouvant : 5 heures-22 heures, trois heures et demie de maquillage, une heure quarante pour l'effacer.
Au cinéma, elle a raflé plusieurs Césars du second rôle. Après L'Opération Corned-Beef, la voilà dans Les Visiteurs promis au succès. Tournage désagréable, quasi souffre-douleur, raconte un proche, face au trio formé par Jean-Marie Poiré, Christian Clavier et Jean Reno. Elle a lu le scénario des Visiteurs 2, l'a jugé consternant et, malgré le pont d'or qu'on lui offrait, a refusé d'y jouer. Bertrand Burgalat : "C'est quelqu'un d'entier et de singulier dans le monde du spectacle, pas du genre à gérer sa notoriété ou à signer des choses qu'elle ne ferait pas."
Edouard Weil, le producteur de Palais Royal !, le troisième film réalisé par Valérie Lemercier (2,7 millions d'entrées), confirme : "Elle est exigeante, elle n'abdique pas. C'est elle qui façonne, elle ne laisse pas façonner. Ni par le goût des gens ni par le marché."
Elle songe à un prochain film ; une comédie sur les femmes dépendantes de l'alcool et de la drogue. Elle a déjà le titre du film : Véronique. Le reste suivra. Elle se rend au Palace avec un immense sac à dos rouge et une peau de mouton, comme grigri. "J'aime dormir dans mon lit, rallier à pied les théâtres où je joue. Partir, une tournée, est un cauchemar."
Résumons : CV impeccable, flexible, polyvalente ; gueule de tous les emplois : Blanche, Noire, danseuse, chanteuse, actrice, réalisatrice, humoriste, décoratrice, costumière. Sur la grande scène du rire comme dans les autres métiers, il manque décidément un féminin au mot artisan.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire